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INTERVENTION de Monsieur Jacques GRANDCHAMP, maire de PUBLIER,

sur la situation de la commune de PUBLIER au sein de la CCPEVA

en séance plénière de la CDCI

ANNECY le 15 novembre 2021

Monsieur le Préfet,

Après avoir pris connaissance du compte rendu de la commission restreinte qui s’est tenue le 2 novembre dernier, je souhaiterais tout d’abord clarifier ma non présence pour le moins surprenante à cette première phase de consultation de la CDCI et qui a soulevé de légitimes interrogations de la part de certains membres soucieux du principe d’équité, élus que je remercie. La procédure de retrait adhésion est un sujet grave qui mérite d’être traité avec sérieux et respect de tous les protagonistes. Ma non présence est tout simplement liée à l’absence d’information sur les modalités de déroulement de la commission restreinte. Ce n’est que le 28 octobre que j’ai pu obtenir des informations sur le déroulement de celle-ci, de la bouche du rapporteur de la commission, Jean Marc BOUCHET que j’ai invité à Publier. C’est ainsi qu’il m’a indiqué que le préfet allait me téléphoner pour me préciser que je pourrais assister à la réunion dans le public sous réserve que le huit clos ne soit pas demandé. J’ai fait savoir à Jean Marc Bouchet que j’attendais donc cet appel, ce qui ne s’est pas produit.  Ayant servi durant 40 années l’Etat et ayant travaillé avec plusieurs dizaines de préfets aussi bien en préfectures qu’en cabinets ministériels, je n’en ai jamais connu de timides ou de discourtois. Je ne pense évidemment pas que nous soyons dans un tel cas de figure mais j’avoue ne pas savoir comment interpréter cette absence de communication qui à mon sens ne peut qu’altérer le crédit de la commission.

Je souhaite par ailleurs revenir sur les propos de madame LEI qui a pu longuement s’exprimer, elle, non pas en tant que maire d’Evian, qui est la raison de sa présence à la commission restreinte, mais bien en qualité de présidente de la CCPEVA. Depuis 2005 le souhait de Publier de changer d’intercommunalité n’est pas une affaire de poste de vice -présidence, mais une exigence d’équité et donc un problème essentiellement financier que je rappellerai dans la première partie de mon intervention. Je note avec satisfaction, Mr le Préfet, que vous avez rappelé que le rapport de la DDFIP joint à notre dossier est une analyse objective de l’ensemble des conséquences financières induites par le départ de la commune de Publier, ce qui confirme si besoin en était que notre long travail pour présenter notre démarche a été réalisé avec objectivité et pertinence. Il n’est donc pas question d’occulter ce point primordial qui est le contentieux financier existant depuis 16 ans entre Publier et son intercommunalité, à la faveur d’un poste de vice-président de circonstance, qui suffirait à régler la question, le maire de Publier n’est pas à vendre et encore moins à acheter. S’agissant de la notion de territoire que j’évoquerai en seconde partie de mon intervention, je note avec un intérêt non dissimulé de la bouche de madame LEI que la CCPEVA daterait en fait de l’an 1200, je pense qu’il s’agit d’un condensé historique pour le moins audacieux si l’on se réfère aux guerres incessantes qui ont caractérisé le Chablais qui à certaines périodes de son histoire était Valaisan ou Genevois, voire même Bernois ! Avec un peu d’humour j’aurais plutôt tendance à inverser l’analyse historique en considérant qu’à ce jour le Chablais présente effectivement encore certaines similitudes avec la période médiévale.

J’entends par ailleurs l’argument consistant à dire que le départ de Publier créerait un précédent et qu’il est nécessaire de se mettre autour d’une table. Je retiens même que cet argument est en fait l’unique leitmotiv pour s’opposer à notre démarche, j’y reviendrai dans la troisième partie de mon propos. Je rappelle que si la loi Notre a été aménagée en décembre 2019 pour y introduire la procédure de retrait-adhésion cette disposition répondait à une demande forte des maires, ces élus de proximité toujours en première ligne pour recevoir les doléances, les demandes ou les critiques et régulièrement dépossédés de leurs prérogatives depuis des années. Si dans notre pays nous considérons qu’il faut voter des lois pour ne pas les appliquer car cela ferait jurisprudence comme cela a été évoqué sans rire publiquement par un de nos parlementaires, il y a lieu de s’inquiéter sur l’intérêt même de notre Parlement. Quant au souhait de se mettre autour d’une table ce souhait est exprimé depuis 16 ans sans succès, c’est précisément ce qui a conduit Publier à recourir à la procédure de retrait adhésion, opportunité qui n’existait pas avant 2019. Cette procédure change donc la donne et offre à Jacques GRANDCHAMP la possibilité de défendre sa commune, ce dont ne disposait pas mon prédécesseur.

Je souhaite remercier Jean Marc BOUCHET, notre rapporteur, pour ses interventions lors de la séance restreinte et pour les échanges raisonnables et plein de bon sens que nous avons régulièrement, balayant les pseudos problèmes d’ego, argument tout aussi artificiel que celui de la jurisprudence.

Je souhaite enfin vous remercier Mr le Préfet pour vos plusieurs rappels à la procédure en session restreinte lorsqu’à de multiples reprises a été évoquée la nécessité de disposer d’une contre-étude de la CCPEVA, document sans fondement juridique.

Mesdames et messieurs les membres de la CDCI, chers collègues élus

Permettez-moi de vous dire quel est mon plaisir de pouvoir m’exprimer enfin devant vous en séance plénière sur notre démarche de retrait-adhésion. En liminaire je rappelle que nous parlons d’une démarche unique, un retrait-adhésion, donc une démarche qui par définition n’est pas dissociable, d’où une certaine interrogation de ma part, interrogation partagée par bon nombre d’élus locaux, sur le fonctionnement de cette commission départementale qui précisément aborde cette question importante en la séquençant et organisant la non présence du principal intéressé au débat sur l’aspect retrait. Vous me permettrez donc de rappeler les raisons et origines de notre demande de retrait de la CCPEVA avant d’aborder les motivations d’une adhésion à l’intercommunalité voisine de Thonon Agglomération, puisque naturellement les raisons de notre retrait font partie des motivations de notre adhésion. Monsieur le Préfet, réagissant à une question de la presse sur la procédure engagée vous avez récemment rappelé votre souci de savoir si nous sommes sur un enjeu de territoire ou si c’est un problème de gouvernance. Je vais donc tenter de démontrer que les deux aspects sont évidemment intimement liés. C’est en effet sur un problème de gouvernance que la commune de Publier s’est vu contrainte d’engager la procédure de retrait adhésion à l’automne 2020, après 16 années d’absence de réponses à ses demandes et c’est évidemment sur un enjeu de territoire qu’elle demande à rallier Thonon Agglomération.

1- les raisons et origines de notre demande de retrait

La demande de retrait ne trouve pas son fondement dans un problème d’individualités politiques locales comme cela a été complaisamment distillé durant des mois. Le sujet est bien trop grave pour être caricaturé de la sorte. En effet Publier est dans cette démarche depuis 16 ans, ce n’est donc pas une démarche incongrue et de susceptibilité du nouveau maire de Publier ! Permettez-moi de rappeler quelques interventions de mon prédécesseur, Gaston LACROIX sur ce sujet, que je tiens à votre disposition si vous le souhaitez :

19 décembre 2002 : « Publier devrait d’abord apporter sa Cité de l’eau dans la corbeille de mariage »

06 octobre 2005 : « financer à tour de bras sans avoir de retour c’est inacceptable »

15 octobre 2005, en Conseil Communautaire : « Publier est la vache à lait du système (…) et participe à hauteur de 40% aux recettes de la communauté (…) Je paye et je n’ai rien ». Réponse « Mais tu ne peux pas quitter la CCPE, tu es ficelé »

27 octobre 2005: réunion publique d’information sur le thème « Être ou ne pas être dans la CCPE, la majorité, l’opposition et les habitants sont unanimes à dénoncer l’insuffisance de la participation financière d’Evian » Déclaration de Gaston LACROIX à cette occasion : Ça coince avec Evian (…) avec le sentiment de s’être fait berner (…)lors des réunions de la communauté, j’ai plus l’impression d’écumer un ordre du jour que de bâtir (…).

28 octobre 2005: « par 21 voix sur 27, les élus ont voté pour le retrait de leur commune » (…) « ce qu’attend Publier aujourd’hui c’est, en regard de sa participation, un meilleur retour (…) la prise en charge du fonctionnement de son centre nautique (…) une révision des clés de répartition avec une plus importante implication d’Evian » Réponse de Marc Francina président de la CCPE : « Les choses se discutent mais pas à chaud »

12 ans plus tard, en 2017, rien n’a été discuté est c’est alors l’Etat qui est amené à intervenir dans le conflit incessant entre Evian et Thonon en décidant de la création d’une nouvelle intercommunalité, la CCPEVA. Cette démarche autoritaire aurait pu être l’occasion d’organiser enfin une intercommunalité équitable, solidaire et à l’écoute. Il n’en a rien été, bien au contraire, la contribution financière de Publier a été encore aggravée pour atteindre aujourd’hui le niveau exorbitant de 60% des recettes communales, alors que l’investissement de la ville d’Evian est inférieur à 15% de ses ressources de fonctionnement. Je ne connais aucune commune qui subisse une telle ponction de ses finances au profit de son EPCI de rattachement. Nous sommes donc face à un problème de fonds qui touche la stabilité financière de la commune de Publier et sa capacité à faire face aux contraintes de son développement. Depuis 2005 la CCPE puis depuis 2017 la CCPEVA ont balayé toute possibilité de négociation, à coups de petites promesses ou avantages personnels, pratiques qui ne caractérisent pas vraiment une gouvernance équitable, solidaire et attentive que toute commune est en droit d’attendre de son intercommunalité.

A l’issue des élections municipales, nous n’avons pas caché notre détermination à faire enfin évoluer notre place au sein de la CCPEVA, sans aucune proposition de la part de celle-ci avant les élections de juillet 2020. C’est l’unique raison qui a motivé ma candidature à la présidence, tout en ayant parfaitement conscience du message passé alors par une maire éminente de l’intercommunalité, par ailleurs présidente du SIAC, m’informant que toutes les dispositions étaient prises pour faire barrage à la présence du nouveau maire de Publier dans les instances dirigeantes de l’intercommunalité. C’est ce qui s’est effectivement produit le 20 juillet 2020, avec en prime l’élection d’une conseillère d’opposition pour représenter Publier ! Qui parmi vous accepterait une telle situation ? Quelle considération est manifestée par la présidence de la CCPEVA aux habitants de Publier et à leur vote qui nous a largement plébiscité dès le premier tour ? Quel maire serais-je si je ne me battais pas aujourd’hui pour défendre mes administrés et sortir enfin ma commune d’une injustice trop longtemps cautionnée par le système, l’injustice d’un racket financier de plus de 1,6 M€ par an ?

Je pense avoir répondu Mr le Préfet à votre interrogation sur l’aspect du problème de gouvernance, je vais donc aborder maintenant l’enjeu de territoire.

2- Les motivations d’une adhésion à l’intercommunalité voisine de Thonon Agglomération

La première motivation pour notre adhésion à Thonon-Agglomération ayant été suffisamment développée, j’en viens donc à évoquer le second point essentiel, celui du territoire. Vous le savez toutes et tous, Publier est au cœur d’un pôle urbain qui s’étend d’Anthy à Lugrin. La commune fait partie des communes denses, au sens de la grille communale de densité de l’Insee. Tout comme la commune d’Evian, elle appartient à l’unité urbaine de Thonon-les-Bains, une agglomération intra-départementale regroupant 13 communes et 77 923 habitants en 2018. Publier est de fait une commune de la couronne de Thonon les bains et fait partie de l’aire d’attraction de Thonon-les-Bains. Cette aire, qui regroupe 18 communes, est catégorisée dans les aires de 50 000 à moins de 100 000 habitants. Ce point est important car l’adhésion de Publier à l’Agglomération voisine transfèrerait celle-ci dans les aires de plus de 100.000 habitants, avec des potentialités de développement qui permettraient au Chablais de faire jeu égal avec les grands ensembles actuels du département. Donc lorsqu’on évoque la question de territoire on ne peut se contenter de notre démarche actuelle, il est évident qu’il faut engager également une réflexion au niveau du Chablais dans son ensemble, en le dotant enfin d’un dispositif intercommunal plus pertinent, pour réellement peser dans les grands enjeux départementaux mais aussi dans nos relations avec les trois cantons suisses voisins.

Le second point essentiel est l’évolution de la commune de Publier pour les 20 prochaines années. L’évolution démographique que connait la commune de puis vingt ans l’a fait passer rapidement du stade de gros bourg à celui de ville, et les années à venir feront de Publier la seconde ville du Chablais après Thonon-les-Bains. Cette réalité emporte des enjeux essentiels pour Publier en termes de :

– politique de la ville : le rattachement au zonage police nationale avec le commissariat de Thonon plaide pour cette cohésion en lien avec la politique de la ville (CISPD) développée par l’agglomération.

– aménagement du territoire, du cadre de vie et de stratégie foncière : l’aménagement de l’ensemble du territoire en cohérence avec le SCOT du Chablais, le P.L.U.i de Thonon Agglomération, la stratégie foncière autant pour les zones économiques que la préservation des espaces naturels littoraux et/ou sensibles sont des politiques incontournables au regard de la situation géographique de la commune (Zones d’activité économique de Vongy et des Vignes Rouges, Réserve naturelle de la Dranse…)

– mobilité et infrastructures de transports : enjeu majeur du mandat, cette politique publique est intimement liée à la future liaison Machilly-Thonon dont la sortie en entonnoir se situe à l’entrée de Publier, via les ponts qui enjambent la Dranse. Elle devra traiter en outre les circulations poids lourds du PAE des Vignes Rouges, la liaison interzones, comme la desserte ferroviaire inexistante, les parkings relais, les voies douces voire les liaisons lacustres avec la Suisse pour notre millier de frontaliers et les 3300 emplois de la zone commerciale et industrielle de Publier.

– habitat et logement : après avoir rattrapé son retard en logements sociaux dans le cadre de son 3ème plan de mixité sociale, la commune doit s’amarrer à une politique publique qui gère cette problématique à l’échelle d’un territoire et pas seulement au niveau communal. Il en est de même pour tous les dispositifs d’amélioration de l’habitat (P.L.H). Et le seul territoire existant est celui de Thonon.

– relations transfrontalières : essentiellement prise en compte au niveau communal dans les relations avec la CGN, alors que la ville attire beaucoup de frontaliers autant vers le canton de Genève que celui de Vaud ou du Valais, l’inclusion dans le Grand Genève de par l’adhésion à Thonon Agglomération permettra une meilleure prise en compte de ces problématiques.

– politique de cohésion sociale : volet indispensable d’une commune de plus en plus urbaine cette politique ne peut s’envisager que dans le cadre d’un territoire élargi rencontrant des problématiques urbaines et de population du même ordre, sans négliger pour autant la ruralité des hameaux constitutifs de la commune.

Mesdames et messieurs les membres de la CDCI, vous l’aurez compris, plus de 80% des enjeux de la commune de Publier se situent à l’Ouest de son territoire et non à l’Est et il est grand temps de conférer à la Dranse un statut de rivière qui unit plutôt que celui d’une frontière plus hermétique que celle de la Morge entre France et Suisse.  Monsieur le Préfet je pense avoir répondu à votre seconde préoccupation concernant les enjeux de territoire.

3- La responsabilité de l’Etat et des élus locaux

Mesdames et messieurs les membres de la CDCI je ne voudrais pas terminer mon intervention sans vous dire que notre responsabilité aujourd’hui est importante et que le vote qui résultera de notre réunion devra à mon sens répondre à de multiples interrogations :

– souhaitons nous refuser à une commune la possibilité de faire valoir un droit légitime à l’écoute, à l’équité et à la solidarité qu’elle n’obtient pas dans son EPCI de rattachement depuis tant d’années ?

– souhaitons nous remettre en question l’évolution de la loi Notre qui en ouvrant la procédure de retrait adhésion, a redonné aux maires le moyen de se faire entendre des intercommunalités comme de l’Etat ? Ne nous y trompons pas, il s’agit aujourd’hui de Publier mais beaucoup de maires sont confrontés à ces difficultés et lorsque certains responsables politiques évoquent le danger de la jurisprudence, ils oublient qu’au niveau national le retrait adhésion a déjà été pratiqué sans que nous ayons eu à connaître la contagion qui les inquiètent tant. Ce faisant ils portent atteinte au principe de libre administration des collectivités locales, garanti par l’article 72 de la Constitution

– souhaitons nous balayer d’un revers de main les votes exprimés par 18 communes en faveur de l’adhésion de Publier à Thonon Agglomération et une fois encore donner à nos concitoyens un motif à ne plus de se déplacer pour voter ? Je rappelle que 75,47% des conseillers communautaires de TA ont accepté notre demande d’adhésion et que 68% des communes de TA représentant 77,82% de la population du territoire ont exprimé la même volonté de voir Publier rejoindre leur EPCI

– souhaitons nous enfin donner au Chablais la dimension politique indispensable à son développement, en cohérence avec le reste du Département et avec nos voisins suisses qui à juste raison dénoncent notre immobilisme et notre inconstance ?

C’est en ayant présent à l’esprit ces interrogations que nous devons exprimer ce jour notre vote et que la décision finale devra être prise.

Monsieur le Préfet, quel que soit l’avis qui sera émis lors de cette séance plénière, la décision finale n’appartient qu’à vous. Lors de l’unique entretien que nous avons eu vous m’avez fait part :

– de votre souci de respecter la libre administration des collectivités locales

– de votre préoccupation de ne pas voir la viabilité de la CCPEVA compromise par le départ de Publier. L’étude qui a été réalisée par la Commune de Publier, validée et confortée par la DDFIP comme par la DRCL, démontre que la CCPEVA, aujourd’hui 70ème  intercommunalité en terme de richesse au niveau national, reculerait avec notre départ au 150° rang national,  très loin encore devant sa voisine Thonon-Agglomération. Sans Publier, la CCPEVA restera l’une des intercommunalités les plus riches de France. Quant à notre commune, tout ce qu’elle attend légitimement c’est de pouvoir financer son développement.

 

Sur la base de ces éléments je m’en remets donc à votre sagesse mais je tiens à vous  assurer de ma détermination à faire prévaloir le droit et l’équité que je dois aux Publiérains, avec la conscience de l’urgence absolue de redonner aux électeurs une vision plus flatteuse de la politique locale.